Comment désamorcer les conflits avec les parents ?

communiquer avec les parents

La gestion des échanges avec des parents sur la défensive nécessite une compréhension fine des mécanismes psychologiques sous-jacents. Selon la théorie de John Bowlby (1969), l’un des moteurs principaux des réactions défensives des parents peut être la peur de voir leur compétence parentale remise en question. Ces parents peuvent se sentir vulnérables, ce qui déclenche une réaction défensive, souvent inconsciente. Pour désamorcer cette tension, il est donc crucial de créer un espace sécurisant où ils ne se sentent ni jugés ni menacés.

Les techniques de communication non violente (CNV), développées par Marshall Rosenberg, se révèlent particulièrement efficaces dans ce contexte. La CNV repose sur quatre principes fondamentaux : l’observation sans jugement, l’expression des sentiments, la formulation des besoins, et la demande d’actions concrètes. Appliquée dans le cadre des échanges avec des parents sur la défensive, cela signifie qu’il est nécessaire de poser des questions ouvertes qui laissent la place à l’expression personnelle sans jugement. Par exemple, « Pouvez-vous m’expliquer comment vous voyez cette situation ? » Cette question permet de créer un dialogue sans accuser, et ouvre la possibilité d’un échange où le parent peut se sentir écouté et respecté.

D’autres approches issues de la psychologie sociale, notamment les travaux de Carl Rogers sur l’écoute active, renforcent l’idée que reformuler les préoccupations du parent est une manière de valider son ressenti sans être d’accord avec son point de vue. Cette technique, appelée « reformulation empathique », permet de créer une base de confiance et de désamorcer les tensions. Elle permet de dire : « Je comprends que cela puisse être frustrant pour vous », ce qui aide le parent à se sentir compris, sans pour autant valider sa réaction émotionnelle.

Lorsque l’on fait face à un parent qui semble prendre tout mal, il est pertinent d’adopter une approche solutionniste, une pratique recommandée par la thérapie centrée sur la solution, fondée par Steve de Shazer et Insoo Kim Berg. Au lieu de se concentrer sur le problème, on propose des solutions concrètes, tout en restant empathique et orienté vers des objectifs communs. Cette démarche présente un double avantage : elle permet de canaliser les émotions du parent et de trouver rapidement des solutions pratiques pour le bien-être de l’enfant.

En combinant ces approches théoriques et pratiques, les professionnels de terrain peuvent non seulement mieux gérer les tensions, mais aussi transformer ces situations complexes en échanges constructifs. La communication devient ainsi un véritable outil de prévention des conflits, qui permet de renforcer la collaborationentre parents et professionnels dans l’intérêt de l’enfant.

Ce parent qui semble ne pas nous écouter…

Certains parents peuvent donner l’impression de ne pas écouter ou de ne pas retenir les informations importantes. Et cela va souvent avec le fait qu’il soit moins présent à la crèche ou à l’école de son enfant, par choix, par manque de temps ou par habitude. Il peut s’agir d’un père, qui, moins impliqué dans la gestion quotidienne, peut se sentir mal à l’aise dans un univers largement féminin ou peu familier. Il arrive aussi que la charge mentale des enfants repose principalement sur l’autre parent, ce qui peut entraîner un manque d’engagement de sa part.

Dans ce contexte, il est crucial de chercher à impliquer davantage ces parents, même indirectement. Une stratégie efficace consiste à mettre en avant leur rôle dès que possible, par exemple en les appelant en premier en cas de problème de santé de l’enfant ou pour toute autre situation importante. Mais aussi d’insister sur la présence des deux parents pour le point annuel, ou un rendez-vous prévu à l’avance. Ce geste permet de reconnaître leur place dans l’éducation de leur enfant et de les encourager à être plus présents dans les échanges. L’idée est de renverser les habitudes et d’inciter les parents, et en particulier les pères, à s’impliquer dans la communication et à ne pas se décharger de la responsabilité sur l’autre parent.

Sur le plan de la communication, il est intéressant d’adopter une approche plus visuelle et claire. Utiliser des supports écrits tels que des bulletlists ou de courts résumés de la période peut renforcer les messages clés. De plus, la répétition des informations dans différents formats (oral, écrit, visuel) permet de clarifier et d’impacter, pour s’assurer que chaque parent, qu’il soit plus ou moins impliqué, puisse comprendre et retenir l’information. 

Adaptez votre discours aux préoccupations spécifiques de chaque parent, et offrez-leur des moments dédiés pour échanger, afin de favoriser une meilleure compréhension et coopération.

Quand on ne parle pas le même langage éducatif

Les divergences de point de vue entre parents et professionnels sont souvent inévitables, notamment lorsqu’il s’agit de la manière « d’éduquer » un enfant. 

 

Quand l’éducation positive et la gestion des frustrations se heurtent

Les professionnel.les de terrain, à plus forte raison quand ils ou elles ont vu passer des générations et des générations d’enfants, peuvent parfois percevoir les méthodes d’éducation positive actuelles comme trop permissives et manquer de la discipline nécessaire à l’intégration de règles. Ils ou elles estiment qu’un enfant qui n’apprend pas à gérer le refus de l’adulte rencontre plus de difficultés lorsqu’il doit respecter des consignes dans une collectivité. Ce sentiment peut se traduire par un désaveu des pratiques pédagogiques axées sur l’empathie et l’écoute des besoins de l’enfant. Pourtant, la pédagogie positive, loin de signifier l’absence de règles, propose plutôt de définir des limites bienveillantes, en expliquant clairement les raisons de ces limites et en permettant à l’enfant d’exprimer ses émotions de manière saine.

La rigidité des attentes parentales, à contre courant de nos pratiques

D’un autre côté, certains parents préfèrent une approche plus stricte et contrôlante, estimant qu’une autorité forte et des sanctions claires sont nécessaires pour le bon développement de leur enfant. Ces parents peuvent être frustrés si les professionnel.les semblent trop flexibles et portent ces pédagogies bienveillantes dont on parlait précédemment. Ils souhaitent parfois que leur enfant apprenne à obéir sans poser de questions, à grand renfort de méthodes punitives. Dans ces cas, les professionnel.les ont un rôle crucial à jouer pour expliquer que, bien que l’application de règles soit nécessaire, une approche autoritaristepourrait nuire à la confiance de l’enfant et à sa capacité à comprendre l’impact de ses actions. Une pédagogie respectueuse repose sur l’idée que l’autorité peut être exercée de manière apaisée et expliquée, sans recourir à la réprimande ou à la contrainte.

La communication pour aller au-delà des divergences

Lorsqu’il existe un fossé entre les pratiques éducatives des parents et des professionnel.les, il est essentiel de ne pas minimiser ou ignorer ces désaccords. On ne peut se contenter de « comprendre » la position de l’autre, il est nécessaire d’instaurer des échanges directs et concrets sur ce qui peut ou ne peut pas être mis en œuvre. Par exemple, une équipe qui privilégie une pédagogie positive pourra se sentir incomprise et jugée par un parent qui insiste sur la nécessité de renforcer la discipline.

Le véritable enjeu n’est pas d’aligner totalement les pratiques, mais de clarifier les objectifs communs. Le professionnel peut expliquer pourquoi il intègre la gestion des frustrations en collectivité dans son approche pédagogique, en soulignant les bénéfices pour l’enfant, tout en respectant le cadre familial. De même, le parent peut expliquer les raisons de ses attentes (par exemple, inculquer un certain respect de l’adulte) et rechercher des compromis sans forcer un changement radical dans la méthode de l’un ou de l’autre.

Ainsi, la clé réside dans une communication pragmatique, qui ne se contente pas de suggérer des bonnes intentions mais qui cherche des solutions concrètes, adaptées à la réalité de l’enfant et de son développement. Ces échanges permettent de définir des attentes précises et d’éviter les malentendus qui, souvent, découlent de présupposés non partagés. Dans cette dynamique, l’écoute active, la transparence et la souplesse sont indispensables pour maintenir une relation professionnelle efficace et bénéfique pour l’enfant.