Parents, professionnels : comment apaiser les frictions éducatives pour le bien de l’enfant ?

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Les échanges entre parents et professionnels de la petite enfance ou de l’éducation peuvent parfois révéler des frictions. Il suffit de quelques phrases pour sentir un flottement dans la relation :

« À la maison, il dort dans les bras. »

« Nous, on le force à goûter les légumes sinon il ne fait pas d’effort. »

« Je n’arrive pas à lui dire non, je sais que je devrais, mais c’est trop dur. »

Ces écarts entre les pratiques familiales et celles de la crèche ou de l’école ne sont pas anodins. Ils touchent à ce qu’il y a de plus intime : la manière d’accompagner son enfant. Comment comprendre ces tensions ? Et surtout, comment les transformer en un dialogue fécond au service du bien-être de l’enfant ?

Quand l’éducation touche au cœur des valeurs

Chaque parent élève son enfant au prisme de son histoire, de ses croyances, de ses expériences de vie. Ces choix éducatifs, souvent implicites, sont profondément ancrés. Lorsqu’un professionnel adopte une pratique différente, le parent peut ressentir un inconfort, une remise en question de son rôle ou de ses compétences.

C’est ce que la psychologie sociale nomme « dissonance cognitive » (Festinger, 1957). Lorsqu’une personne est confrontée à une pratique contraire à ses croyances, elle ressent une tension interne. Pour la réduire, elle peut chercher à changer sa propre pratique, ou au contraire à invalider celle des professionnels. Plus l’écart est perçu comme important, plus cette dissonance est douloureuse.

Prenons l’exemple d’un enfant qui s’endort seul à la crèche, alors qu’à la maison il a toujours été bercé. Pour le parent, ce décalage peut susciter un sentiment de culpabilité, de trahison ou d’insécurité : « Ai-je eu tort de le bercer ? Pourquoi fait-il autrement avec eux qu’avec moi ? »

Ces réactions émotionnelles ne traduisent pas un simple désaccord rationnel, mais un véritable conflit identitaire. Pour le parent, il en va de la cohérence de son rôle et de sa relation avec son enfant.

Le rôle clé de la posture professionnelle

Dans ce contexte, le positionnement des professionnels est déterminant. Leur rôle ne consiste pas à imposer un modèle unique, mais à accompagner avec bienveillance et pédagogie.

La manière de communiquer est essentielle. Dire à un parent : « Ici, on ne fait pas comme ça » risque d’alimenter le sentiment d’invalidation. À l’inverse, une reformulation empathique ouvre la voie au dialogue : « Nous avons remarqué que votre enfant avait l’habitude de s’endormir bercé. Ici, nous l’accompagnons pour qu’il se sente en sécurité tout en favorisant son autonomie. »

Expliquer les fondements des pratiques professionnelles est également clé. Un parent comprend mieux et accepte plus volontiers une approche lorsqu’on lui en explicite les objectifs : « Notre démarche vise à favoriser l’autonomie progressive au sommeil, dans le respect du rythme de chaque enfant. »

Enfin, reconnaître les compétences des parents renforce le lien de confiance : « Vous connaissez votre enfant mieux que quiconque. Ce que vous mettez en place à la maison est précieux. Nous proposons ici une approche qui vient compléter ce que vous faites. »

Vers une véritable co-éducation

Au cœur de cette dynamique, l’écoute active joue un rôle essentiel. Il ne s’agit pas simplement d’expliquer, mais de comprendre les émotions sous-jacentes du parent. Un simple « Je comprends que ce soit difficile pour vous de voir que ça se passe différemment ici » peut grandement apaiser les tensions.

Construire un espace de dialogue respectueux permet ainsi de dépasser les oppositions pour œuvrer ensemble, au bénéfice de l’enfant. Après tout, ce n’est pas de convergence absolue dont l’enfant a besoin, mais de continuité affective et éducative entre ses différents environnements.

Professionnels et parents ont tout à gagner à avancer main dans la main, dans le respect de leurs rôles respectifs. C’est dans cette alliance subtile que l’enfant trouve la sécurité nécessaire pour s’épanouir pleinement.